ALG : Belaïd Lacarne, c’était l’honnêteté, l’élégance et … la dérision
AHMED BESSOL LAHOUARI

Aux amis qui venaient le féliciter pour sa désignation à la tête de la FAF, Belaïd Lacarne répétait avec un sourire malicieux : «Merci. J’apprécie. On m’a donné un vélo sans chaîne pour le conduire.» Au fil des années, il était footballeur, arbitre, dirigeant, écrivain. Mais c’est en tant qu’arbitre qu’il allait marquer toute une corporation continentale et faire partie de la lignée des inoubliables Benzellat, Mokhtari (Oranie), Khelifi Ahmed (Algérois) et Benghezal (Constantine) qui ont donné à l’arbitrage ses lettres de noblesse en Algérie et ailleurs.
Dans l’ouvrage de AB. Lahouari «Les 250 grandes et petites histoires du football algérien», Belaïd Lacarne expliquait, non sans la dérision du terroir qui le caractérisait si bien, les raisons qui l’ont poussé à devenir un justicier de la balle ronde. Alors qu’il évoluait à l’USMBA durant les années 60 comme défenseur (déjà !) à la suite d’un choc aérien avec le gardien de but du Mouloudia de Saïda, Benzellat expulsait Benalioua qui avait envoyé au tapis le Belabbésien.
Belaïd Lacarne prenait la défense du gardien de but et contre toute attente, il se voyait à son tour renvoyé aux vestiaires. « A la fin du match, j’ai demandé avec beaucoup de respect à Benzellat les raisons de ma sanction et il m’a dit, cela t’apprendra à dis- cuter les décisions d’un arbitre ». Quelques années plus tard, il portait l’habit noir du justicier pour devenir un exemple d’honnêteté et ceux qui l’ont vu à l’œuvre reconnaissent en lui l’élégance d’un danseur de tango.
L’honnêteté était son credo et il allait la payer au prix fort avec l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Djamel Houhou. Lors d’un match amical de l’Algérie contre les Girondins de Bordeaux (1-2) pour le compte des matchs de préparation de la Coupe du monde -1982 au stade du 5-Juillet, il avait sifflé un penalty contre son pays ,ce qui provoqua l’ire du représentant de l’Etat dans les vestiaires. La réponse de Belaïd Lacarne a été cinglante : «Monsieur, il n’y a pas 36 mille manières d’arbitrer.» Et la récompense viendra de la Fifa qui le désignait pour le Mondial-1982.
Sa carrière terminée, les autorités font appel à ses compétences pour diriger la FAF. Sur directive de l’autorité de tutelle, il contribuait à l’élection d’Issa Hayatou en 1988 et comme il était bien introduit et respecté à la CAF, il usait de ses connaissances africaines, notamment avec le Tunisien Slim Chiboub, pour installer en 2004, à Tunis, Mohamed Raouraoua au sein du Comité exécutif de la CAF. Et avec l’instauration du professionna- lisme, il était appelé à présider la Commission fédérale d’arbitrage (CFA). Mal lui
en pris.
Il subissait une horrible campagne médiatique orchestrée par des «complotistes» de la LNF à la réputation surfaite aujourd’hui. Elle était soutenue par la FAF dans le but de s’accaparer de la lucrative S/Commission des désignations des arbitres. Poussé vers la sortie et victime d’une immense ingratitude, le Hadji se retirait dans sa belle ville à Bel Abbès (le Petit Paris) pour écrire ses mémoires, entouré des siens et ses amis toujours aussi nombreux.
Lors de notre dernière rencontre, Belaïd m’a déclaré avec naturellement beaucoup d’humour : «J’ai tout compris quant à la fin d’un stage à Tiaret, un arbitre que j’ai guidé les premiers pas m’a dit : Ya Cheikh, je t’accompagne à Bel Abbès. Il roulait en 4×4 dernier cri.» Allah Yarrahmak !
– AHMED BESSOL LAHOUARI