
C’est la fin d’une époque pour le football sénégalais : celle du bâtisseur, maître Augustin Senghor (59 ans), largement battu dès le premier tour, dimanche, par Abdoulaye Fall (56 ans), inspecteur du Trésor et président de la Ligue régionale de Diourbel (à environ 150 km à l’est de Dakar). Élu une première fois en 2009, après avoir fait partie du bureau de normalisation installé par la FIFA au Sénégal, Augustin Senghor aura sans doute brigué le mandat de trop.
Tombeur de l’ancien ministre des Sports Malick Gakou en 2009, réélu dès le premier tour en 2013, puis vainqueur face à Mbaye Diouf Dia et Louis Lamotte au second tour en 2017, il avait conservé son fauteuil en 2021 face à Mady Touré. Mais cette fois, il a chuté. Une défaite prévisible, tant l’homme aux cinq trophées continentaux en quinze mois semblait fragilisé depuis sa lourde défaite de mars dernier, au Caire. Sollicité par son « ami » Fawzi Lekjaa et la FIFA, il s’était lancé — naïvement — dans une course perdue d’avance pour un siège au Conseil de la FIFA.
L’avocat et maire de l’île de Gorée, qui avait accepté en 2021 de retirer sa candidature à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) au nom du « pacte de Rabat », dénonçait quatre ans plus tard, en des termes très durs, l’accord de Nouakchott à l’origine de l’actuel exécutif africain de Zurich. Une prise de position qui ne passe pas — et qui, à ce niveau, ne se pardonne pas. Il sera battu, pire encore : humilié, avec seulement 15 voix.
Un score dont il tirera immédiatement les conséquences en démissionnant de son poste de premier vice-président de la CAF. « Je ne peux continuer à occuper ce poste. Je n’ai plus la légitimité qu’il faut », confiait-il à un de ses proches. Son franc-parler, son intransigeance, ses résultats sportifs à la tête de la Fédération sénégalaise de football (FSF), et sa popularité dans les couloirs de la CAF faisaient de lui un sérieux prétendant à la présidence de l’instance continentale.
Mais ni la FIFA, ni la CAF, encore moins Fawzi Lekjaa — qui ne cache plus ses ambitions de succéder à Patrice Motsepe — ne veulent. Un profil comme le sien, capable de fédérer une « opposition stérile » à la recherche d’un leader, peut changer la donne. Le scénario des dernières élections au Caire a donné à réfléchir aux architectes du « Protocole de Nouakchott ». L’entrée par « effraction » de Samuel Eto’o à l’Exco de la CAF et celle d’autres membres au Conseil de la FIFA n’a pas été du goût de tout le monde.
Augustin Senghor n’était pas seulement un président : il était l’artisan du renouveau. Sous sa direction, le Sénégal a connu son âge d’or footballistique : sacre continental des Lions de la Teranga en 2022, imités par toutes les catégories ; présence régulière dans les grandes compétitions internationales ; essor du football féminin ; développement des infrastructures ; montée en puissance du beach soccer…
Il est tout simplement le président le plus titré de l’histoire du football sénégalais — et sans doute du continent. C’est à l’échelle continentale qu’Augustin Senghor poursuivra sa carrière de dirigeant sportif. Il lui reste encore deux ans de mandat en tant que membre du Comité exécutif de la CAF… à moins qu’il ne décide de l’écourter ? Lui qui avait accompagné son aîné, feu Issa Hayatou, en 2017 à Addis-Abeba lors de sa défaite, est allé dimanche féliciter son successeur avant de s’éclipser en toute discrétion.
Il s’est retiré avec dignité. C’est peut-être cela, sa plus grande victoire.
Nazim Bessol
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Nazim Bessol
Directeur de la rédaction B